Si vous avez lu mes précédents billets, vous avez beaucoup entendu parler d'eux : Marie-Anne d'Autriche et Philippe IV sont les parents de la petite infante Marguerite-Thérèse. Mais vous n'avez pas forcément remarqué qu'ils étaient présents sur le tableau... Pourtant ils sont là, l'un et l'autre :
Vous ne les situez pas dans le tableau ?
On ne voit que leur reflet dans le miroir au-dessus de l'infante. Lorsque nous regardons les Ménines,
nous sommes à la place du roi Philippe IV et de son
épouse, la reine Marie-Anne, qui posent pour Velasquez. Soudain,
leur fille unique rentre dans la pièce, accompagnée de
ses suivantes (les Ménines) et de sa petite cour...
Pour nous faire comprendre et imaginer la scène, l'artiste
devait nous montrer les souverains d'Espagne qu'il était en
train de peindre, et il a utilisé un miroir pour cela (comme
l'avait fait avant lui Van Eyck dans son tableau les époux Arnolfini,
conservé à la National Gallery de Londres. Je publierai
une reproduction de ce tableau plus tard). C'est le seul portrait de
Velasquez où le roi et la reine sont représentés
ensemble.
Couple assez mal assorti, Philippe IV avait 30 ans de plus que sa
nièce, Marie-Anne. Destinée tout d'abord à devenir
la femme du fils aîné de Philippe IV, qui mourut
prématurément, la jeune archiduchesse épousa donc
le père de son fiancé en 1649. Joyeuse et
primesautière avant d'arriver à Madrid, elle devint une
"Allemande capricieuse et têtue", très imbue
d'elle-même et un peu trop attachée son pays natal,
l'Autriche. Marie-Anne supporta très mal de devoir vivre
enfermée dans la prison dorée de l'étiquette
de la cour madrilène. Une prison d'ailleurs moins dorée
qu'elle n'aurait pu l'être : au XVIIe siècle, l'Espagne
n'a plus ni la gloire, ni le prestige qu'elle avait cent ans
auparavant, sous Charles Quint. Elle a perdu les Provinces-Unies
(Pays-Bas actuels) et le Portugal, et l'argent provenant des colonies
outre-atlantique n'est pas bien investi. Les guerres contre la France
ont achevé de ruiner le pays, qui ne sera bientôt plus
qu'une puissance de second ordre.
Philippe IV, lui, est un être profondément
dépressif. Il étouffe dans le cérémonial
pesant de la cour, mais il le respecte à la lettre. Très
pieux, ses heures de débauches avec des prostituées sont
suivies de crises mystiques et de nuits au pied du crucifix. Sous la
tutelle de son favori, le comte-duc Olivarès, il s'en
sépara pourtant sous la pression de sa première femme,
Elisabeth de France. La mort de celle-ci, suivie, l'année
suivante, par celle du fils qu'elle lui avait donné, le brillant
infant Baltazar-Carlos, le plongèrent dans une dépression
profonde dont il n'émergea jamais totalement.
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