Il existe deux Cléopâtre. L'une fut la dernière reine d'Egypte. Ambitieuse et habile, elle n'hésita pas à devenir la maîtresse de Jules César, puis celle de l'héritier de ce dernier, Antoine, pour asseoir son pouvoir. Vaincue par Octave à Actium, en trente et un avant notre ère, elle préféra se donner la mort plutôt que de paraître au triomphe de son rival.
Ce suicide donna aussitôt naissance à la seconde Cléopâtre, celle de la légende. Quelques années seulement après sa disparition, dans le tout jeune Empire romain, son nom devint l'équivalent des "délices de Capoue" d'Hannibal. Il fut synonyme de passion ; or les auteurs anciens préconisaient d'éviter cette dernière pour atteindre la paix de l'âme. Les aventures de la belle s'étoffèrent : on racontait qu'elle s'était donné la mort en se faisant piquer par un aspic caché dans une corbeille de fruits. Qu'elle possédait un nez d'une beauté toute particulière. Qu'elle avait même parié, un jour, avec Antoine, pouvoir organiser un festin coûtant plus de dix millions de sesterces. Pour gagner, elle aurait servi à son amant un repas frugal avant de lui faire boire sa plus grosse perle, dissoute dans du vinaigre. La religion chrétienne ne réhabilita pas cette païenne suicidée, mais la Renaissance se passionna pour cette héroïne de roman. Dante l'installa, en bonne compagnie, dans le deuxième cercle de l'Enfer de sa Divine Comédie, celui de ceux qui ont péché par la chair. Corneille en fit une criminelle dans Rodogune. Même Pascal en eut vent : il lui dédia trois de ses Pensées, dont le célèbre fragment 392 : "Le nez de Cléopâtre, s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé." L'objectif : faire comprendre aux libertins que l'homme est si vaniteux et misérable qu'il peut être mené par ses passions. (Pour s'améliorer, une seule solution : la conversion.) Ne nous y trompons pas : en peignant Cléopâtre, les artistes, et particulièrement ceux apparentés au baroque, n'illustrent pas seulement l'une des plus fameuses histoires de l'Antiquité. Ils rappellent à leurs spectateurs que la condition humaine est par nature misérable.
Cléopâtre VII Lagide
Monde romain, Ier siècle avant Jésus-Christ
Tête de Cléopâtre VII
Vers 31 avant Jésus-Christ ?
Berlin, Antikensammlung.
Italie, période julio-claudienne
Tête de femme ressemblant à Cléopâtre VII
Londres, British Museum.
Le mythe de Cléopâtre
Cléopâtre restaurée sur le trône d'Egypte
Pietro Berrettini, dit Pierre de Cortone (1596-1669)
César remet Cléopâtre sur le trône d'Egypte
Vers 1637
Lyon, musée des Beaux-Arts.
Cléopâtre rencontrant Antoine
Giovanni Battista Tiepolo
La Rencontre d'Antoine et de Cléopâtre
1746 - 1747
Venise, Palazzo Labia.
Le banquet de Cléopâtre
Jan de Bray (1627-1697)
Le Banquet d'Antoine et de Cléopâtre
1669
Manchester, New Hampshire, Currier Museum of Art.
Gérard de Lairesse (1640-1711)
Le Banquet de Cléopâtre
Vers 1675
Amsterdam, Rijksmuseum.
Gérard Hoet (1648-1733)
Le Banquet de Cléopâtre
Fin du XVIIe ou début du XVIIIe siècle
Los Angeles, J. Paul Getty Museum.
Le suicide de Cléopâtre
Ecole siennoise du XVIe siècle
Cléopâtre
Bayonne, musée Bonnat.
Giovanni Pietro Pedrini Ricci, dit Giampietrino (1493 - 1540)
Le Suicide de Cléopâtre mordue par un aspic
XVIe siècle
Paris, musée du Louvre.
Michel-Ange Buonarroti
Cléopâtre
1533-1534
Florence, casa Buonarroti.
D'après Etienne Delaune (vers 1518 - 1583 ou 1595)
La Mort de Cléopâtre
Plaque de caparaçon du roi Henri II
XVIe siècle
Ecouen, musée national de la Renaissance.
Alessandro Turchi (1578-1649)
La Mort de Cléopâtre
XVIIe siècle
Paris, musée du Louvre.
Guido Reni (1575-1642)
Cléopâtre et l'aspic
Vers 1630
Windsor, Collection royale.
Guido Cagnacci (1601-1663)
La Mort de Cléopâtre
Vers 1660
Milan, Pinacoteca di Brera.
François Lemoyne (1688-1737)
Cléopâtre
Vers 1725
Minneapolis, Institute of Art.
Autres épisodes de la vie de Cléopâtre
Eugène Delacroix (1798-1863)
Cléopâtre et le paysan
1838
Chapel Hill, Ackland Art Musem.
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